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FIOR D’ALIZA.

CLXVIII

— Quel poëte vous auriez fait ! ne puis-je m’empêcher de m’écrier, en entendant cette jeune paysanne emprunter naïvement une si charmante image pour exprimer son inexprimable anxiété d’amante et de musicienne, en jouant son air dans le vide, sans savoir si ses notes tombaient sur la pierre ou dans le cœur de son amant.

— Ne vous moquez pas, monsieur, je dis ce que j’ai vu tant de fois dans les rues de Lucques et de Livourne, quand un amoureux fait donner, par les pifferari, une sérénade à sa fiancée.

— Eh bien ! repris-je quand l’air fut joué, qu’entendîtes-vous, pauvre abandonnée, au pied de la tour ?

— Hélas ! rien, monsieur, rien du tout pendant un moment qui me dura autant que mille et mille battements du cœur. Et cependant, pendant ce moment qui me parut si long à l’esprit, je n’eus pas le temps de reprendre seulement ma respiration. Mais le temps, voyez-vous, ce n’est pas la respiration qui le mesure quand on souffre et qu’on attend, c’est le cœur ; le temps n’y est plus, monsieur, c’est déjà l’éternité !