Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
FIOR D’ALIZA.

idée qui ne me serait jamais venue, à moi toute seule, sans elle.

Je ramassai la zampogne avec regret et tendresse, comme si je lui avais fait un mal volontaire en la foulant sous mon pied, je l’embrassai, je la serrai sous mon bras comme une personne vivante et sentante, je lui parlai, je lui dis en pleurant : Veux-tu servir ceux qui t’ont faite ? tu as été le gagne-pain du père, sois le salut de sa malheureuse fille.

On eût dit que la zampogne m’entendait, elle se gonfla comme d’elle-même au premier mouvement de mon bras ; et le chalumeau se trouva, sans que j’y eusse seulement pensé, sous mes doigts.

Je me rapprochai de la lucarne ouverte et je me dis : Là où ma voix ne parviendrait jamais, ou bien où elle ne pourrait parvenir sans trahir qui je suis aux oreilles du bargello et de ses prisonniers, le son délié de la zampogne parviendra de soi-même et ira dire à Hyeronimo, s’il est là et s’il reconnaît l’air que lui et moi nous avons inventé et joué seuls : « C’est Fior d’Aliza ! ce ne peut être un autre ! On veille donc sur toi là-haut, là-haut dans la tour ou dans quelque étoile du firmament ! »