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FIOR D’ALIZA.

petite alors, était venue pour la première fois chez sa marraine assister, avec nous autres, à la vendange des vignes et fouler, en chantant, les grappes dans les granges avec ses beaux pieds, tout rougis de l’écume du vin.

— Ah ! nous allons bien en vider des fiasques, ce soir, allez, à la table du bargello ! ajouta-t-il ; c’est drôle pourtant qu’on se marie, qu’on festine, qu’on chante et qu’on danse dans la maison d’un bargello, si près d’une prison où l’on gémit et où l’on pleure, car la maison du bargello, ça n’est ni plus ni moins qu’une dépendance de la prison du duché, à Lucques, et de l’une à l’autre on va par un souterrain voûté et par un large préau, entouré de cachots grillés, où l’on n’entend que le bruit des anneaux de fer qui enchaînent les prisonniers à leur grille, comme mes bœufs à leur mangeoire quand je les ferme à l’étable.

CXLIX

Ces récits du jeune bouvier, qui m’avaient laissée d’abord distraite et froide, me firent tout à coup tressaillir, rougir et pâlir quand il était venu à parler de geôle, de geôlier, de cachots et de prisonniers ; car l’idée me vint tout à coup que la maison où allait se réjouir cette noce de village était peut être précisément celle où l’on aurait jeté sur la paille le pauvre Hyeronimo, et que la Providence me fournirait