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FIOR D’ALIZA.

faire jouer des airs si mélodieux à ce morceau de bois attaché à cette peau de bête.

Je me gardai bien de lui dire que c’était un jeune cousin nommé Hyeronimo, là tout près dans la montagne de Lucques ; je ne voulais pas mentir, mais je lui laissai entendre que j’étais un de ces pifferari du pays des Abruzzes, où les enfants viennent au monde tout instruits et tout musiciens, comme les petits des rossignols sortent du nid tout façonnés à chanter dans les nuits et tout pleins de notes qu’on ne leur a jamais enseignées par alphabet ou par solfége. Il s’émerveillait de ce que sept trous dans un roseau, ouverts ou fermés au caprice des doigts, faisaient tant de plaisir à l’oreille, disaient tant de choses au cœur, et il oubliait presque d’en toucher ses bœufs, qui marchaient d’eux-mêmes. Puis il mettait une gloriole d’enfant à me raconter à son tour ceci et cela sur cette belle noce qu’il conduisait à la ville, et sur les personnages qui remplissaient derrière nous le chariot couvert de toile et de feuilles.

CXLVIII

— Celle-ci, me disait-il, celle qui vous a vu la première évanoui sur le bord du chemin, c’est la fille du riche métayer Placidio de Buon Visi, qui a une étable pleine de dix bœufs comme ceux-ci, de grands champs bordés de