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CHAPITRE V.

ceau de gâteau bénit que le prêtre du village voisin venait de leur distribuer à la messe des noces ; mais je n’avais pas faim, et je détournais la tête en repoussant sa politesse.

— C’est la soif, disait le petit bouvier, en m’apportant une gorgée d’eau du Cerchio dans une feuille de muguet.

— C’est le soleil, disait la belle sposa, en continuant à remuer plus vite, pour faire plus de vent, son large éventail de noces sur mes cheveux baignés de sueur.

Hélas ! je n’osais pas leur dire : Ce n’est ni la faim de la bouche, ni la soif des lèvres, ni la chaleur du front, c’est le chagrin. Que leur aurait fait mon chagrin jeté tout au travers de leur joie, comme une ortie dans une guirlande de roses ?

— N’est-ce pas que c’est la chaleur et la poussière du jour qui t’ont surpris sur le chemin, pauvre bel enfant, me dit enfin la fiancée, et qu’a présent que l’ombre du mur et le vent de l’éventail t’ont rafraîchi, tu ne te sens plus de mal ? On le voit bien aux fraîches couleurs qui te refleurissent sur la joue.

— Oui, sposa, répondis-je d’une voix timide ; c’était la chaleur, et le long chemin, et la poussière, et la fatigue de jouer tant d’airs à midi devant les niches des Madones, sur la route de Lucques.

— Je vous le disais bien, reprit-elle, en se retournant avec un air de contentement vers son fiancé et vers ses vieux et jeunes parents qui regardaient tout émus du haut du char.