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FIOR D’ALIZA.

CXXXII

Mais ils ne dormaient pas, et ils étaient assis en silence, a la claire lueur des étoiles, sur le banc qui touche à la porte.

Le bruit du loquet fit tourner la tête a ma tante ; elle me reconnut et poussa un cri de surprise et de désespoir, qui fit jeter, sans savoir de quoi, le même cri d’horreur a mon père aveugle.

Elle lui dit que je me sauvais, et dans quels habits ! Ils se jetèrent tous les deux, les bras étendus, entre la porte et le chemin pour me retenir ; je tombais évanouie entre leurs bras.

Ils me reparlèrent ensemble sur mon lit dans la cabane ; et quand ma tante vit mes beaux longs cheveux coupés comme une toison d’agneau, jetés sous ses pieds au bord du lit, elle jeta de tels cris qu’ils réveillèrent les corneilles sur les branches du châtaignier.

Elle dit tout a mon père :

— Folle enfant ! s’écrièrent-ils d’une même voix, et que prétendais-tu faire en te détruisant ainsi et en te sauvant tu ne sais pas où ? Et, en abandonnant ton père et ta tante, sais-tu seulement où les sbires ont emmené ton cousin ? et pour un enfant que nous avons perdu, veux-tu nous faire perdre encore le seul enfant que Dieu nous laisse ?