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FIOR D’ALIZA.

faible lueur de jour naissant qui me reste dans les yeux, j’étendis la main du côté où je l’entendais remuer, pour démêler, comme à l’ordinaire, ses beaux cheveux avec mes doigts et pour approcher de son front ma bouche.

Jésus Maria ! miséricorde ! monsieur, qu’est-ce que je devins ? Je devins pierre comme la statue de la femme de Noé quand, au lieu de tomber sur ses belles tresses de soie blonde qui patlaient du faîte de son front et qui se déroulaient jusque sur ses deux épaules, je sentis sous ma main une tête toute ronde et tout frais tondue, qui cherchait a se dérober à mon attouchement comme quelqu’un qui a honte et qui baisse le visage ; je crus rêver. Ma main glissa du front sur le cou ; ce fut bien une autre surprise, monsieur : au lieu de cette douce peau blanche d’enfant qui caressait la main comme une feuille lisse et fraîche de muguet, quand je touchai ses épaules à l’endroit où elles sortent du corsage de laine, je sentis le rude poil velu d’une veste de bure, comme celle des piffarari des Abruzzes, et, en descendant plus bas vers la taille, une ceinture de cuir à boucles de laiton, de larges braies et de grosses guêtres boutonnées sur des souliers ferrés qui résonnaient comme des marteaux sur l’enclume.