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CHAPITRE IV.

l’âme de ton père qui l’inspire. Ne perds pas un instant ; embrasse-nous et recommande-toi à Dieu et à ses saints. Voilà la lune qui se baigne déjà à moitié dans la mer de Pise, pour laisser place au soleil ; tu n’as plus qu’une demi heure de nuit pour monter, invisible à travers les bois, aux Camaldules. Si le sbire que tu as blessé est mort, les sbires seront ici en même temps que le jour. La vengeance des hommes irrités est matinale.

En parlant ainsi, je tenais le loquet de la porte de la cabane pour le pousser dehors, tout en pleurant comme lui ; sa mère et sa cousine, réveillées par le bruit de mes sanglots et des siens, sanglotaient de leur côté dans l’ombre. Un dernier rayon de la lune, à travers les feuilles mortes de la vigne, éclairait ces mornes adieux ; les bras se détachaient pour se resserrer encore.

CXIX

Ah ! elle en a entendu, cette nuit-là des lamentations, cette voûte, ajouta avec force l’aveugle ; elle en a entendu autant que le jour où les cercueils de ma femme et de mon frère furent cloués à nos oreilles par le marteau du fossoyeur des Camaldules ! Quatre cœurs qu’on arrache à la fois les uns des autres, ça fait du bruit autant que quatre planches qu’on scie et qu’on cloue pour ensevelir quatre vies.