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CHAPITRE IV.

séchaient sur le toit ; Fior d’Aliza et le chien, à garder ses chèvres et ses chevreaux, bien loin derrière les châtaigniers, dans les bruyères qui touchent à notre ancien champ de maïs, sa chèvre entraîna par son exemple ses chevreaux à descendre du rocher dans le maïs et à brouter les mauvaises herbes entre les cannes déjà mures ; cela ne faisait aucun mal, monsieur, car les feuilles des cannes étaient jaunes et sèches, et les chevreaux ne les mordillaient seulement pas ; le petit chien Zampogna s’amusait innocemment à courir à travers les cannes après les alouettes, et à revenir tout joyeux vers Fior d’Aliza qui lui jetait des noisettes pour les lui faire rapporter dans son tablier.

Tout à coup, cependant, voilà qu’elle s’aperçut que les chèvres s’égaraient, par habitude, hors de la bruyère, sous les châtaigniers qui étaient à nous ; elle lança de la voix et du doigt le petit chien après les animaux pour qu’il les ramenât, comme il avait coutume, à leur devoir. Mais, au moment où Zampogna atteignait la chèvre et ses petits et aboyait autour d’eux pour les faire sortir du maïs, voilà six coups de feu qui résonnent comme des tonnerres derrière les sapins, de l’autre côté du champ, et trois sbires, leurs fusils fumants à la main, qui sortent avec de grands cris de la sapinière, et qui se jettent comme des furieux à travers les cannes.

La chèvre laitière était tombée morte du coup, sur le corps d’un des deux chevreaux blancs qu’elle allaitait ; l’autre, blessé d’une chevrotine au cou, tout près des