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FIOR D’ALIZA.

nous contraindre à aller mendier notre pain dans les rues de Lucques, de nous y ramasser ensuite comme des vagabonds, de nous jeter, ma sœur et moi séparément, dans un hôpital, de forcer Hyeronimo à s’expatrier dans les Maremmes ou sur quelque felouque de pêcheur ; de faire enfermer, à cause de sa jeunesse et de sa beauté, Fior d’Aliza dans un couvent, pour l’y faire élever en dame et pour l’épouser ensuite comme par charité, grâce à l’abbesse qui était sa parente et sa complaisante.

Le frère Hilario, qui connaissait la malice du monde de la ville, nous a raconté ensuite toute la chose ; mais alors, de quoi pouvions-nous nous douter ? Et quand même nous nous serions doutés de quelque complot de ce genre, comment pouvions-nous nous en défendre ? Nous n’avions de notre côté que la Providence ; mais il y a des temps où elle se cache comme pour épier jusqu’où va la patience des bons et des méchants. En ce temps-là elle paraissait nous avoir entièrement oubliés.

CXIV

Un jour que nous étions sans défiance, ma sœur auprès de sa quenouille sur le seuil de la cabane ; moi occupé à tresser des nattes de sparteria avec des joncs devant la porte, assis au soleil ; Hyeronimo à retourner les figues qui