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CHAPITRE IV.

délégués, pour les faire exécuter en leur temps par la force publique.

Calamayo et ses ouvriers se retirèrent après cette protestation en nous faisant des gestes et en poussant des clameurs de vengeance. Ma pauvre sœur, prenant la tête ensanglantée de Fior d’Aliza sur ses genoux, étancha le sang que sa chute sur la racine faisait égoutter de sa tempe. Hyeronimo alla puiser de l’eau dans le creux de ses deux mains pour laver et démêler ses beaux cheveux blonds, humides de sang et poudrés de terre.

Ce fut alors que nous pleurâmes tous les quatre comme nous n’avions jamais pleuré. Hélas ! nous étions restés vainqueurs, grâce à l’apparition et au courage d’Hyeronimo.

l’entaille de l’arbre, quoique saignante, n’était pas mortelle : en plaquant de la terre humide sur la blessure et en la recouvrant de morceaux d’écorce reliés autour du tronc par des lianes, nous pouvions le guérir et vivre encore de ses dons d’automne tous les hivers ; notre petit troupeau de chèvres et de cabris nous alimenterait pendant la belle saison, nos figues sèches nous remplaceraient les raisins disparus avec la vigne ; mais nous ne nous dissimulions pas que le châtaignier n’avait pas longtemps à vivre, puisque le sbire et son conseiller avaient juré de nous réduire à la mendicité et de nous expulser par la faim de notre pauvre nid sur la montagne.