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FIOR D’ALIZA.

temps que l’ombre de cette branche mettra à se replier jusqu’a ses racines.

CVI

Magdelana resta immobile, pétrifiée, muette à ces paroles, dont elle comprit bien la malice. L’idée de dépayser ma fille de la cabane où elle ne faisait qu’une avec nous trois ; l’idée de la séparer d’Hyeronimo, dont elle n’avait jamais été désunie depuis la mamelle qui les avait nourris l’un et l’autre ; l’idée de jeter cette âme, qui rayonnait semblable au soleil de tous nos matins sur notre fenêtre, comme un misérable tas de baioques de cuivre à un étranger, en échange de la place qu’il nous laisserait ainsi pour végéter sur la montagne, lui souleva le cœur.

— Moi, monsieur, donner Fior d’Aliza pour quoi que ce soit, même pour ma pauvre vie dans ce bas-monde ! Ah ! si c’est là le prix qu’exige le ciel pour nous épargner, qu’il nous tue tout de suite ; qu’il nous ensevelisse tous les quatre ensemble dans le tronc de l’arbre que ces bourreaux de bûcherons vont abattre sur nos têtes ! Mille fois plutôt mourir que de céder ma fille à cet homme dur ! Quand ce serait même le prince de Lucques, il n’aurait pas assez de son duché pour la payer à sa tante, à son père et à Hyeronimo ; c’est comme si vous me disiez qu’on va payer à