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FIOR D’ALIZA.

et que pouvions-nous faire ? Tous nos regrets ne ressouderont pas la branche au cep. Toutes nos larmes ne lui serviront pas d’autre séve ! Elle est morte, et nous mourrons, il n’y a que cela pour nous consoler. Livrons les dernières grappes aux oiseaux, ces dernières feuilles aux chèvres, ces derniers sarments à notre foyer d’hiver ; morte, elle nous servira encore tant qu’elle pourra, et nous bénirons encore ses dernières pousses. Et puis après ? Eh bien ! après, nos murs seront nus contre le soleil et la pluie, il n’y aura pas d’ombre sur la porte, les oiseaux et les lézards s’en iront chercher leur plaisir ailleurs. Le padre Hilario ne s’assoira plus, en s’essuyant le front, sous la treille, et en suspendant ses deux besaces aux nœuds entrelacés du gros pampre ; qu’y pouvons-nous ? Le papier est le papier ; il ne parle pas pour s’expliquer ; d’ailleurs, il aurait beau s’expliquer, le mal est fait ; il ne ferait pas reverdir en une parole des pampres de trois cents ans. Il a dit : « La vigne est au sbire, la treille est à vous ; » mais il n’a pas dit que le propriétaire de la vigne n’aurait pas le droit de couper son pampre

Un frisson nous prit à ces mots, nous pensâmes tous, et tous à la fois au châtaignier, notre seul nourricier sur la terre.

Dieu ! nous écriâmes-nous, le papier dit bien que les châtaignes tombant sur nous sont à nous, mais il ne dit pas que le propriétaire du tronc, des racines et des branches n’aura pas le droit de couper son arbre. Oh ! Malheureux