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CHAPITRE IV.

Elle se rassit et se remit à remuer du pied le berceau du petit, toute rêveuse et toute rouge d’avoir laissé échapper ce cri de deux amours dans une seule voix.

XCV

— Eh bien ! vous allez voir ce que nous eûmes à souffrir, ces pauvres innocents et nous, continua l’aveugle. L’automne approchait, les grappes de la treille devant la porte et celles des pampres qui enlaçaient la maison et le toit comme le filet du pêcheur enlace l’eau dans ses mailles, commençaient à rougir et à sucrer les doigts de Fior d’Aliza. Elle en cueillait çà et là une graine en passant sous les feuilles ; nous nous promettions une riche vendange pour la fin de l’automne, des raisins à sécher sur la paille et une petite jarre de vin sucré pour les fêtes de Noël et du jour de l’an dans le cellier.

Tout à coup Hyeronimo s’aperçut que les feuilles de la vigne jaunissaient et rougissaient comme des joues de malade, avant que les raisins eussent achevé de rougir ; que les branches se détachaient des murs comme des mains qui ne se retiennent plus par les ongles à la corniche, et que les grappes, elles-mêmes mortes, commençaient a se rider avant d’être pleines, et ne prenaient plus ni suc ni couleur dans les sarments détendus.