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FIOR D’ALIZA.

maison, et qui formaient une treille devant la fenêtre et un réseau contre les murs de la cabane et jusque sur le toit, nous restaient ainsi que les grappes que ces branches pouvaient porter en automne ; c’était assez pour notre boisson, car les enfants et ma belle-sœur ne buvaient que de l’eau, et je ne buvais du vin moi-même que quelques petits coups les jours de fêtes.

Mais qu’est-ce qui vous restait donc ? demandais-je au vieillard aveugle.

— Ah ! monsieur, il nous restait le châtaignier, notre père nourricier d’âge en âge, et le vaste espace d’herbe fine et de mousse broutées qui s’étend sous son ombre et sur ses racines… C’est-à-dire, continua-t-il en se reprenant, que le châtaignier, principale source du revenu du domaine des Zampognari, avait été partagé en quatre parties par les arpenteurs arbitres : le tronc de l’arbre avec toutes les branches qui regardent le nord, le couchant, le matin, appartenaient au sbire, représentant de nos anciens parents ; ils pouvaient en faire ce qui leur conviendrait, même l’étroncher en partie s’il leur paraissait nuisible ; mais tous les fruits qui tomberaient ou que nous abattrions des vastes branches qui regardent le midi et qui s’étendent comme des bras sur la pelouse, sur la cour et sur le toit de la maison, étaient a nous. Il y en avait encore bien assez, tant il est gros et fertile, pour nous nourrir presque toute l’année, pourvu que le caprice ne prît pas aux propriétaires du fonds et du tronc de l’arbre de le couper. Mais il n’y avait pas de