Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
FIOR D’ALIZA.

le menton de Fior d’Aliza toute en larmes, comme elle a grandi, mûri et embelli, la petite chevrette du châtaignier ! C’est un bel avocat que vous avez la en herbe ; cet avocat-là pourra bien vous rendre plus qu’on ne vous enlève. Le capitaine n’a que d’honnêtes intentions ; n’aimeriez-vous pas bien, ma belle enfant, à changer cette robe de bure brune et ces sandales sur vos jambes nues contre de riches robes de soie, de fins souliers à boucles luisantes comme l’eau de cette cascatelle, et à devenir une des dames les plus regardées du duché de Lucques, où il y en a tant de pareilles à des duchesses ?

Il voulut l’embrasser sur le front. Fior d’Aliza se recula comme si elle avait vu le dard d’un serpent sous le bois mort.

— Je ne serai jamais que la fille de ma mère, la sœur ou la femme d’Hyeronimo, dit-elle entre ses dents ; et elle se sauva vers son cousin, qui n’avait rien entendu. Il portait les paquets et les chaînettes des commissaires, comme saint Laurent quand il portait l’instrument de son supplice.

Ma belle-sœur rentra triste et pensive à la maison ; elle me raconta l’air et le propos de l’avocat. Nous commençâmes à nous méfier de quelque chose.