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FIOR D’ALIZA.

Hyeronimo, en regardant ses belles tiges de maïs et en mesurant sa taille à leur auteur, disait : S’ils nous les prennent, me rendront-ils les gouttes de sueur que j’ai versées sur leurs racines en les plantant dans ce sol si dur et si épierré ?

— Et nos écureuils de printemps, et nos corneilles d’hiver, et nos hirondelles d’été, et nos colombes et nos rossignols dans le bois de lauriers ou sur le châtaignier, nous les prendront-ils aussi, et se laisseront-ils partager, comme le reste, entre le sbire et nous ? disait ma belle-sœur. À ces mots, elle voulait bien rire, mais elle avait comme une larme dans la voix, comme une goutte d’eau dans le goulot d’une gourde qui ne peut ni rester ni couler par le cou de la courge.

Moi, j’étais bien triste aussi, mais je me raisonnais en me disant, a part moi : Ils ne partageront du moins ni ma sœur, ni sa fille, ni mon enfant, ni mon pauvre chien. Si tout cela me reste, qu’importe un peu plus ou un peu moins de mesures de terre sur une montagne ! Il y en aura toujours assez long et assez large pour recouvrir mes pauvres os quand j’irai rejoindre au ciel la céleste mère de Fior d’Aliza, à qui je pense toujours quand j’entends sa voix si claire dans les lèvres de l’enfant !