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CHAPITRE IV.

de lauriers n’appartient pas à celle qui le ramasse, comme l’épi oublié à la glaneuse ? Nous n’aurons pas besoin qu’Hyeronimo aille gagner la mal’aria dans les eaux dormantes de la Maremme, dont on voit d’ici les brouillards traîner au bord de la mer comme des fumées d’enfer, n’est ce pas ?

LXXXVI

— Ah ! que tu as raison, dit ma belle-sœur à ma fille ; si mon pauvre mari avait pensé comme toi, je ne serais pas sans appui sur cette terre.

Je dis la même chose à Hyeronimo, et nous nous reconsolâmes comme nous pûmes le soir, en allant visiter, l’un sa fontaine, l’autre ses plants de maïs déjà en fuseaux et commençant à jaunir ; l’autre ses ceps de vigne en fleur qui embaumaient jusqu’à la maison ; l’autre en comptant ses brebis et ses chèvres ; moi, en touchant le poil et les oreilles dressées de mon chien qui me léchait le visage et les mains, comme s’il avait compris à je ne sais quoi que nous avions besoin d’être consolés.

L’un disait : Ils nous laisseront ceci ; l’autre disait : ils ne nous prendront pas cela. Fior d’Aliza prenait de la belle eau du bassin dans sa main, s’en lavait le visage et embrassait l’eau qui fuyait entre ses doigts roses, comme si elle avait dit adieu à la source.