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FIOR D’ALIZA.

depuis le premier jour ; l’habitude de vivre et de mourir là était notre seul acte de propriété.

Nous baissâmes la tête et nous dîmes à l’homme de loi qui venait nous retrancher les trois quarts du bien :

— Puisque les juges de Lucques, qui sont si savants, le disent, il faut bien que cela soit vrai. Nous ne voulons pas garder le bien d’autrui, n’est-ce pas ? Faites donc de nous ce que vous voudrez ; partagez le bien et les bêtes, pourvu qu’on nous laisse la cabane et le châtaignier, dont les racines sont dessous et dont les branches tombent sur le toit, et un chevreau sur trois, et mon pauvre chien qui les garde et qui me conduit quand je monte à la messe les dimanches ; et nos deux enfants, qui sont bien à nous, puisque c’est nous qui les avons nourris et élevés, et qu’ils s’aiment bien et qu’ils nous aident comme nous les avons aidés dans leur enfance. Nous vivrons de peu, mais nous vivrons encore. Qu’il soit fait selon ce papier, et le bon Dieu pour tous !

LXXXIV

— Eh bien ! dit l’homme de loi, puisque vous n’en appelez qu’au bon Dieu, on vous enverra demain deux commissaires au partage qui limiteront votre quart d’avec les trois quarts revenant par le jugement aux Bardi de Bel-Sguardo ; j’oubliais de vous dire que, par un autre papier