Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
CHAPITRE IV.

Bonvvisi ; légitimes propriétaires du reste, se réservant, lesdits héritiers, de revendiquer contre vous, quand ils le jugeront opportun, leur part arriérée de jouissance des fruits dudit domaine, injustement retenus par vous et vos ascendants depuis l’année 1694.

LXXXIII

Si les murs de la maison et le châtaignier qui la couvre s’étaient tout à coup écroulés sur nos têtes, nous n’aurions pas été plus atterrés que nous ne fûmes à la lecture de cette sommation, de rendre les trois quarts de notre domaine ; c’est comme si on nous avait demandé les trois quarts de notre vie à tous les quatre.

— Qu’avez-vous a dire ? nous demanda froidement, la plume en main et le papier sur le genou, l’homme de loi.

Nous nous regardâmes tous les quatre sans rien répondre ; que pouvions-nous répondre, monsieur ? nous étions nés là comme le figuier, la vigne et les chèvres, sans savoir qui nous avait semés. Il n’y avait jamais eu, de père en fils, d’oncle en neveu, dans la famille, ni titre de propriété, ni division, ni partage ; nous croyions que le domaine était à nous comme la terre est aux racines du châtaignier qui nous avait vus naître, ombragés et nourris