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CHAPITRE III.

fils, que je portais encore à la mamelle, Antonio, ma sœur et la petite Fior d’Aliza, qui venait de naître.

Un jour, mon mari remonta de la plaine, après la moisson, dans les Maremmes de Toscane. Il avait fait bien chaud cette année-là ; nous l’attendions tous les soirs du jour où les moissonneurs et les Zampognari rentrent dans les villages de la montagne avec leur bourse de cuir, pleine de leur salaire, à leur ceinture ; un moine quêteur, qui avait passé le matin en remontant au couvent de San Stefano, nous avait dit qu’il l’avait rencontré et reconnu de loin, assis au bord d’une fontaine, sur la route de Lucques à Bel Sguardo. Cela m’avait étonnée, car ordinairement, quand il revenait au grand châtaignier, il ne s’amusait pas à s’asseoir sur la route ; il était trop pressé de me revoir et d’embrasser son petit sur les lèvres de sa mère. Le soir, nous n’entendîmes pas, comme à l’ordinaire, sa zampogne à travers les lauriers de la montée ; nous n’entendîmes que le pas lent et lourd de ses souliers ferrés sur les cailloux et le souffle d’une haleine haletante.

— Serait-ce bien lui ? me dis-je.

Et je m’élançai pour m’en assurer. Hélas ! c’était bien lui, mais ce n’était plus lui ; il me tendit les bras, laissant tomber sa zampogne, et il s’évanouit sur mes genoux. Quand il fut revenu a lui :

— Couche-moi, me dit-il, je n’ai plus qu’a mourir ; la fièvre de Terracine m’a tué.

Le bon air fin des collines ne fit que donner plus de force