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jocelyn.


Que ce jour s’est levé serein sur le vallon !
Chaque toit semblait vivre à son premier rayon,
Chaque volet ouvert à l’aube près d’éclore
Semblait comme un ami solliciter l’aurore ;
On voyait la fumée, en colonnes d’azur,
De chaque humble foyer monter dans un ciel pur ;
Du pieux carillon les légères volées
Couraient en bondissant à travers les vallées ;
Les filles du village, à ce refrain joyeux,
Entr’ouvraient leur fenêtre en se frottant les yeux,
Se saluaient de loin du sourire ou du geste,
Et sur les hauts balcons penchant leur front modeste,
Peignaient leurs longs cheveux qui pendaient en dehors,
Comme des écheveaux dont on lisse les bords ;
Puis elles descendaient nu-pieds, demi-vêtues
De ces plis transparents qui collent aux statues,
Et cueillaient sur la haie ou dans l’étroit jardin
L’œillet ou le lilas, tout baignés du matin ;
Et les gouttes des fleurs, sur leurs seins découlées,
Y roulaient comme autant de perles défilées.
Tous les sentiers fleuris qui descendent des bois
Retentissaient de pas, de murmures, de voix ;
On y voyait courir les blonds chapeaux de paille,
Et les corsets de pourpre enlacés à la taille.
Tous ces sentiers versaient d’heure en heure au hameau
Les groupes variés confondus sous l’ormeau :
Là les embrassements, les scènes de familles,
Les cheveux blancs touchant des fronts de jeunes filles,
Des amis retrouvés, des souvenirs lointains,
Des hôtes entraînés aux rustiques festins,
Des vierges à genoux autour de la chapelle,
Et les groupes pieux que la cloche rappelle,
Leur chapelet en main et le front incliné,
Allant offrir à Dieu le jour qu’il a donné.