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entretien avec le lecteur.

VII

« Je suis de Voiron, en Dauphiné. C’est une belle bourgade au pied des montagnes ; les eaux y sont douces pour blanchir les toiles, le pain y est bon, les châtaignes n’y sont pas chères pour les pauvres gens ; le peuple y est gai, remuant, entendu au commerce et un peu rieur, comme en Dauphiné. Les filles et les garçons y ont de belles couleurs sur les joues, comme si le froid des neiges voisines les pinçait. On ne dirait pas que j’en suis, moi, quand on voit comme je suis pâle ; mais c’est que, voyez-vous, je n’ai jamais été à l’air, j’ai toujours vécu à la maison : cela enlève les couleurs. C’est comme ces plantes que monsieur le curé tenait à l’ombre sur l’escalier.

» — Ses hortensias, achevai-je.

» — Oui, dit-elle, c’est comme les hortensias : cela reste violet comme une lune sur la neige, cela ne devient jamais rouge comme le soleil, parce que cela ne le voit pas.

» — Mais pourquoi donc ne voyiez-vous pas le soleil, comme les autres enfants et les autres filles de Voiron ?

» — Je vous le dirai plus tard, monsieur. »

Et elle continua.