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notes.

au moins l’avaient annoncée, quand M. Le Verrier, à Paris, et M. Adams, à Cambridge, entreprirent, à l’insu l’un de l’autre, la tâche difficile et sans précédent de renverser le problème général. Au lieu de déterminer l’étendue des perturbations exercées sur une planète par une autre également connue, il s’agissait d’assigner dans les cieux le lieu d’une planète inconnue, d’évaluer sa masse, de trouver la forme et la position de son orbite, d’après les perturbations éprouvées par Uranus en un point donné de son cours.

» Dès l’année 1841, M. Adams, jeune élève du collége Saint-Jean à Cambridge, annonça l’intention d’aborder ce problème ; mais il en fut empêché tant qu’il n’eut pas pris ses degrés académiques. En 1843, il essaya de placer un astre inconnu sur un cercle d’un rayon double de la distance moyenne d’Uranus au Soleil, conformément à une loi empirique suggérée par Titius[1], et publiée par le baron Bode. Cette tentative amena une approximation si satisfaisante, que M. Adams s’adressa à l’astronome royal pour en obtenir les observations d’Uranus faites à Greenwich, qui lui auraient fourni le moyen d’assigner plus exactement le lieu de l’astre inconnu. Il avait déterminé, en 1845, la forme et la position de l’orbite de ce corps ; il avait calculé la durée de sa révolution avec tant d’exactitude, d’après sa conviction, qu’il annonça au professeur d’astronomie de Cambridge, ainsi qu’à l’astronome royal, que la longitude moyenne de la planète serait de 323° 2’ le 1er  octobre 1846, et il les pria de la chercher. Il avait d’ailleurs calculé que la masse en devait être triple de celle d’Uranus ; que, par conséquent, l’astre nouveau jouirait du même éclat qu’une étoile de la neuvième grandeur, et serait facile à voir. Par malheur, ces deux astronomes ne cherchèrent la planète que huit mois plus tard, alors que M. Galle, de Berlin, avait trouvé ce même astre, à la demande de M. Le Verrier, précisément à la place indiquée. À la vérité, les astronomes anglais reconnurent alors que le résultat de M. Adams était parfaitement juste, et que les lieux assignés par les deux géomètres ne différaient que d’une très-petite quantité. Il est regrettable que l’Angleterre ait perdu l’honneur d’une découverte à laquelle rien de pareil ne saurait être comparé dans les temps modernes, et qui appartient certainement à M. Le Verrier, puisqu’il l’a fait connaître le premier. Mais à M. Adams est assurée la priorité de la recherche et une part égale de l’honneur.

  1. Par Képler, suivant Delambre, ii, p. 547.