Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/498

Cette page a été validée par deux contributeurs.
497
notes.

nous proposiez, par exemple, de proportionner véritablement les charges aux forces contributives des diverses classes de fortune, non pas seulement quant aux charges fiscales, mais surtout quant aux charges personnelles ; si vous nous proposiez de rectifier, par une loi équitable, cette odieuse inégalité au profit du riche et au détriment du peuple, qui fait qu’un père de famille de cent mille francs de rente ne paye pas plus pour racheter son fils unique du service militaire qu’un pauvre ouvrier dont le fils est l’unique instrument de travail, la seule richesse, la seule propriété, oh ! je vous dirais : Oui, entrons courageusement dans cette voie, et faisons justice contre nous-mêmes à ceux que les inégalités qui nous favorisent, écrasent ! Mais est-il vrai que l’impôt sur les chiens porte sur les riches plus que sur le peuple, et soit un impôt de luxe plutôt qu’une taxe sur la misère ? Je m’en rapporte à vous ; comptez ! Ou avez-vous vu plus de chiens ? est-ce dans les salons, ou dans les chaumières ? C’est dans les demeures du peuple que les chiens se comptent en plus grande masse : c’est sur le peuple surtout que porterait l’impôt. Comment distingueriez-vous le chien utile, serviable, ou le chien inutile, parasite ? Cette distinction serait pleine d’erreurs et de réclamations. Est-ce un chien de luxe que le chien de l’aveugle ou du mendiant, à qui l’on confie tout le jour les pas du vieillard, et qui quête l’aumône pour lui ? Est-ce un chien de luxe que le chien du Saint-Bernard ou des Pyrénées, qui flaire l’épaisseur de la neige devant le voyageur pour l’avertir de l’abîme, ou qui va le chercher sous l’avalanche ? Est-ce un chien de luxe que le chien de Terre-Neuve, mis en sentinelle sur le bord de vos fleuves pour sauver les enfants tombés à l’eau, et les ramener au bord ? Est-ce un chien de luxe que le chien du Lapon, qui traîne les traîneaux de l’homme avec la rapidité d’une meute sur les plaines de neige, infranchissables sans lui ? Est-ce un chien de luxe que le chien attelé dans vos grandes villes au tombereau du boucher et du boulanger, et suppléant le cheval ou l’âne pour le transport des petits fardeaux ? Est-ce un chien inutile que le chien de garde qui, à la porte ou dans l’intérieur du logis, avertit le maître du rôdeur de nuit, ou qui le défend contre les brigands sur la route ? Est-ce un chien inutile que le chien de berger, qui remplace, à lui seul, deux ou trois serviteurs dans la ferme ? Vous ne trouverez guère, dans les huit ou dix catégories de chiens qui peuplent nos villes et nos campagnes, que deux catégories de chiens de luxe : les chiens de chasse et les chiens domestiques. Qu’est-ce que cela produira, quand les possesseurs de ce petit