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notes.

ils ont lieu cependant encore en Angleterre : pourquoi ne les importerions-nous pas chez nous ? Les voitures, les chevaux, les chiens, payent un impôt en Angleterre : pourquoi pas en France ? » Messieurs, par trois excellentes raisons qui me paraissent avoir échappé à votre commission. L’impôt doit se prendre quelque part ; car il faut bien que le pays s’administre, se serve et se défende. Or, l’Angleterre ne payant pas d’impôt direct et territorial ; l’Angleterre n’imposant pas le revenu, ou ne l’imposant qu’exceptionnellement pour des circonstances de guerre extrêmes et pour des temps très-courts, il était de toute nécessité qu’elle imposât la dépense pour saisir sa taxe nationale quelque part. C’est ce qu’elle est obligée de faire en imposant la consommation par l’impôt indirect et par les impôts de luxe. Mais la France, qui paye un impôt territorial direct énorme, et équivalent au cinquième du revenu de chaque citoyen, que ferait-elle si, de l’autre main, elle faisait ce que vous lui demandez en imposant encore la dépense ? Elle frapperait à la fois sur la tête et sur les racines ; elle épuiserait la richesse publique dans le fleuve et dans la source ; elle étoufferait le travail et tarirait le produit. De plus, l’Angleterre est un pays si riche, que le luxe y existe à grandes proportions et peut résister à l’impôt ; mais l’extrême division de la richesse publique, pour ainsi dire monnayée et disséminée entre toutes les mains en France, ferait disparaître le luxe à l’instant où le fisc voudrait en prendre sa part.

Ah ! bien loin, messieurs, d’imposer le luxe, c’est-à-dire la dépense, la circulation de la richesse, la consommation des objets manufacturés par les ouvriers, il faudrait pouvoir l’encourager comme un bienfait pour le peuple : il faudrait pouvoir donner des primes à celui qui fait tisser des étoffes, bâtir des maisons, meubler des hôtels, construire des voitures, élever des chevaux ; car c’est avec l’or qu’il dépense que vivent et prospèrent les innombrables artisans, artistes, manufacturiers, agriculteurs qui produisent tous ces objets de luxe ou de plaisir, pour s’enrichir du salaire dont ces objets sont achetés. On vous dit : « Le chien consomme ! » Tant mieux ; il ne consomme que ce qu’il fait produire. S’il n’existait pas, s’il n’était pas l’occasion de cette production, le salaire qui la paye n’existerait pas non plus. Ce serait du travail de moins, du salaire de moins, des travailleurs de moins ; car tout travail rétribué par un salaire fait naître et vivre un travailleur. Supposez, si vous le voulez, que la nourriture de six chiens équivaille, en céréales, à la nourriture d’un homme ; quelle en est la conséquence ? c’est que, pour nourrir ces six chiens, il faut,