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notes.

justice, la force manque à vos bonnes résolutions : le chemin est difficile, et à sa vue la lassitude s’empare de vous, la chaleur du jour vous abat, vous ployez sous le moindre fardeau, ou plutôt vous vous refusez à la moindre activité, sous prétexte que le faix dépasse vos forces. Vous différez le combat, parce que, aidé d’une expérience malheureuse, vous vous plaisez à vous persuader qu’une déplorable fatalité vous ménage une sûre défaite. Voilà pourquoi vous êtes malheureux ! La tempête gronde autour de votre barque, mais un mot de vous peut charmer les flots et conjurer l’orage ; et pourtant la parole attendue ne sort pas de votre bouche. Votre instinct victorieux d’inactivité vous cloue sur votre siége comme sur une croix, et la volonté, qui un moment veut élever la voix, expire dans votre poitrine. L’athlète qui se prépare à la lutte s’exerce longtemps à l’avance par la gymnastique à assouplir son corps, par la sobriété à l’endurcir et à le rendre ferme comme un roc ; et quand l’heure est venue, il s’oint d’une huile fortifiante, et, sûr de lui-même, s’avance dans l’arène bouillant de courage. Vous, vous essayeriez bien la lutte ; mais la fatigue des préparatifs vous épouvante. Vous savez que vous vous égarez dans une fausse voie, mais la crainte d’un changement de route vous glace, et, plutôt que de revenir sur vos pas, vous force à persévérer dans votre erreur. Vous préférez croire que vous êtes emporté sans retour possible dans un cercle vicieux de pensées et d’habitudes coupables ; et, pour vous persuader à vous-même que la pente vous entraîne irrévocablement, vous feuilletez le passé, et vous vous arrêtez avec amour sur toutes les pages où vous lisez une trace de défaite. Enfant, vous vous exagérez votre faiblesse et vous calomniez votre force. Vous combattez le découragement à armes égales, et vous ne vous apercevez pas que c’est un ennemi qu’il faut vaincre par la ruse. Employez vos heures, forcez votre vie à l’activité, fatiguez votre corps et votre esprit, priez, priez ; et le fantôme s’en ira, et vous ne le verrez plus se pencher sur votre chevet dans vos insomnies, vous ne l’entendrez plus parler à votre malade imagination dans les heures enflammées du jour. »


» Je ne sais en vérité combien de temps aurait duré ce singulier monologue, ou, pour mieux dire, ce dialogue de ma pensée avec une autre pensée invisible et inconnue, si mon compagnon de route, que je n’avais pas entendu s’approcher, ne m’eût, tout à coup tiré de ma rêverie :

» — Eh bien ! eh bien, mon jeune ami, s’écria-t-il de toute la