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jocelyn.

Et, ne se hâtant pas de la répandre toute,
Sa résignation l’épancha goutte à goutte,
Selon la circonstance et le besoin d’autrui,
Pour tout vivifier sur terre autour de lui.


S’il poursuivit ainsi son chemin jusqu’au terme,
C’est qu’en ses saintes mains le bâton était ferme ;
C’est que sa tendre foi, qui rayonnait d’espoir,
Dorait le but d’avance et le lui faisait voir ;
L’heure dont on est sûr de tant de confiance
S’attend sans amertume et sans impatience ;
Dans les chemins connus on marche à petits pas,
Et, quand on sait le terme, on est moins vite las.


Et puis les demi-cœurs et les faibles natures
Meurent du premier coup et des moindres blessures ;
Mais les âmes que Dieu fit d’un acier plus fort,
De l’ardeur du combat vivent jusqu’à la mort ;
De leur sein déchiré leur sang en vain ruisselle,
Plus il en a coulé, plus il s’en renouvelle ;
Et souvent leur blessure est la source de pleurs
D’où le baume et l’encens distillent mieux qu’ailleurs.


J’ai trouvé quelquefois, parmi les plus beaux arbres
De ces monts où le bois est dur comme les marbres,
De grands chênes blessés, mais où les bûcherons,
Vaincus, avaient laissé leur hache dans les troncs :
Le chêne, dans son nœud la retenant de force,
Et recouvrant le fer d’un bourrelet d’écorce,
Grandissait, élevant vers le ciel, dans son cœur,
L’instrument de sa mort, dont il vivait vainqueur !