Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
introduction.

poëte et ses lecteurs, pour nous arrêter à ces cérémonies poétiques. Le drame commence tout de suite. Le vieux curé est mort : dans sa chaumière tout est silence. Alors son ami, qui arrive, découvre dans le grenier du presbytère les feuilles flottantes que vous allez lire. Sur ces feuilles le bon prêtre a jeté toutes les émotions de sa vie. Elles sont bien simples. Lui aussi il a été jeune, il a eu dix-huit ans ; mais sa jeunesse a peu duré : il est entré au séminaire, il portait la soutane noire, il y est resté dix ans, il lisait Ossian et la Bible. Alors l’affreux 93 est arrivé tout sanglant, brisant la tête du roi sur l’échafaud ; il a fallu s’enfuir. Ici se déroule le grand paysage, la grotte des aigles, moitié neige et moitié fleurs ; ici arrive Laurence, et tous les instincts du jeune homme, un instant amortis dans son cœur, se révèlent. Que Laurence est touchante ! qu’ils sont heureux, elle et lui, dans le nid de mousse qu’ils se sont creusé ! Pauvres enfants, que Dieu les protége ! Mais Dieu ne veut pas ; Dieu veut un prêtre. Jocelyn se résigne et courbe la tête. Ici le prêtre commence.

Et notez bien que dans ce livre M. de Lamartine touche, d’un doigt ferme et sûr, à tous les points de l’histoire contemporaine : il esquisse en passant le dix-huitième siècle qui finit, il accueille plein d’espoir le siècle qui commence ; il compte les gouttes de sang dans cette France égorgée ; il écoute les premiers bruissements de la croyance qui de nouveau s’éveille ; il nous montre, et vous savez avec quel délire poétique, les transes, les inquiétudes, les combats, les fureurs de l’amour. Sa Laurence est divine, elle est touchante. Il me semble que je la vois, à l’ombre du balcon, pousser ce grand soupir de regret et de remords. Mais, Dieu soit loué ! cette âme ne sera pas ainsi brisée sans rémission : l’heure du repos approche pour Jocelyn, le calme arrive pour cette pauvre âme en peine. Une fois qu’il a compris