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jocelyn.

» Aux regards de Celui qu’un soupir satisfait,
» Quelle prière vaut ce que vous avez fait ?
» Quel office, ô mon fils, que cette nuit mortelle
» Cette route, ce sang, cette sueur pour elle !
» Ah ! dans son saint trésor Dieu n’a jamais compté
» De tribut qui vers lui plus suave ait monté !
» Venez, nous n’avons plus qu’à la rendre à la terre.
» La nuit baisse, et le jour… Cachons-lui ce mystère. »
Et prenant un côté du cercueil sous mon bras,
Le jeune homme prit l’autre ; et, mesurant nos pas,
Par ces rudes sentiers lentement nous montâmes ;
Nos membres fléchissants s’appuyaient sur nos âmes ;
Nos deux fronts inondaient le cercueil de sueur ;
Et le matin jetait sa première lueur,
Quand sur le seuil désert de l’église fermée
Je remis le mourant et sa dépouille aimée.
J’ornai secrètement l’autel, sans réveiller
Marthe, l’enfant de chœur, ni le vieux marguillier ;
Je célébrai du jour le solennel service ;
Des morts dans le Seigneur, seul, je chantai l’office,
Et la voix de l’époux, du seuil du saint enclos,
Aux psaumes de la mort répondait en sanglots.
Puis, creusant de mes mains la fosse au cimetière,
J’y descendis, pleurant, pour y coucher la bière ;
Le sable y fut jeté par moi, puis par l’époux ;
Ma pelle referma la couche en peu de coups,
Et la croix surmonta le lit du dernier somme.
Quand tout fut accompli, l’infortuné jeune homme,
Triomphant dans ses pleurs, s’assit sur le tombeau,
Comme un homme arrivé s’assoit sur son fardeau.