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neuvième époque.

» Non par ma force, hélas ! mais par mon impuissance,
» Par mépris, par dégoût, plus que par innocence,
» Mon cœur est resté vierge et pur jusqu’à ce jour !
» Oui, mon âme est encor vierge à force d’amour,
» Et rapporte au tombeau, sans l’avoir altérée,
» L’image de celui qui l’avait consacrée ! »

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» Et cependant mes jours, brûlés par la douleur,
» S’en allaient desséchés et pâlis dans leur fleur ;
» Et je sentais ma vie, à sa source blessée,
» Mourir, toujours mourir aux coups d’une pensée.
» Comme un arbre au printemps que le ver pique au cœur,
» Mon front jeune cachait ma mortelle langueur ;
» Mais je voyais la mort là tout près, sur ma voie,
» Et j’en avais dans l’âme une féroce joie :
» C’était le seul remède à mon mal sans espoir.
» Pourtant avant la mort je voulus encor voir
» Le lieu de notre exil, ces monts, ce point de terre
» Qui fut de mon bonheur deux ans le sanctuaire,
» Et retrouver en songe au moins, dans ce séjour,
» Ma première innocence et mon céleste amour :
» Je revis le désert et la roche escarpée,
» Et là du dernier coup mon âme fut frappée.
» Tout mon bonheur passé se leva sous mes pas :
» Je pressai mille fois son ombre dans mes bras ;
» Chaque pan du rocher, du lac, des précipices,
» Ramenèrent pour moi des heures de délices.
» Ce cœur qui les cherchait n’a pu les soutenir :
» Comme on meurt de douleur, il meurt de souvenir !