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jocelyn.


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» Pourtant, lasse du vide où mon cœur se perdait,
» Ivre du souvenir brûlant qui débordait,
» J’essayai quelquefois de me tromper moi-même,
» De regarder un front, et de dire : Je l’aime !
» J’écoutais comme si mon cœur avait aimé ;
» Mais, froide au sein du feu que j’avais allumé,
» Je sentais tout à coup défaillir ma pensée,
» Transir mon cœur brûlant sous une main glacée ;
» Je repoussais l’objet indigne loin de moi,
» Je disais en courroux : Va-t’en ! ce n’est pas toi !…
» Et, cherchant au hasard parmi ce qui m’adore
» Une autre illusion, je la chassais encore.
» D’un angélique amour l’ineffaçable odeur,
» Au moment de tomber, me remontait au cœur ;
» Et la goutte du ciel, sur mes lèvres restée,
» Rendait toute autre coupe amère et détestée.
» Aussi, bien que tant d’ombre ait terni ma beauté,
» Bien qu’un monde, témoin de ma légèreté,
» Sur mes goûts fugitifs mesurant mes faiblesses,
» M’ait mis au rang honteux des grandes pécheresses ;
» Bien que j’eusse voulu, du mal faisant mon bien,
» Venger sur d’autres cœurs les tortures du mien,
» Ou payer de ma vie ou de ma renommée
» La puissance d’aimer comme j’étais aimée ;
» Quoique ne regardant que d’un cœur ennemi
» Le Dieu qui m’arrachait mon frère et mon ami,
» Je le dis devant vous, devant ce Dieu lui-même,
» Devant la vérité qui luit au jour suprême,
» Devant le cher fantôme et le saint souvenir
» De celui qu’en mentant je craindrais de ternir,