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jocelyn.

Comme des blés nouveaux reverdissant sur l’aire
Où des épis battus ont germé dans la terre.
Cependant, au milieu de ces fils du hameau,
Ma voix grave se mêle au murmure de l’eau,
Pendant que leurs brebis broutent l’herbe nouvelle
Sur la couche des morts ; que l’agile hirondelle
Rase les bords de l’onde, attrapant dans son vol
L’insecte qui se joue au rayon sur le sol ;
Et que les passereaux, instruits par l’habitude,
Enhardis par leur calme et par leur attitude,
Entourent les enfants, et viennent sous leur main
S’abattre et s’attrouper pour émietter leur pain.


Je me pénètre bien de ce sublime rôle
Que sur ces cœurs d’enfants doit remplir ma parole :
Je me dis que je vais donner à leur esprit
L’aliment immortel dont l’ange se nourrit,
La vérité, de l’homme incomplet héritage,
Qui descend jusqu’à nous de nuage en nuage,
Flambeau d’un jour plus pur, que les traditions
Passent de mains en mains aux générations ;
Que je suis un rayon de cette âme éternelle
Qui réchauffe la terre et qui la renouvelle,
L’étincelle de Dieu qui, brillant à son tour,
Dans la nuit de ces cœurs doit allumer son jour ;
Et, la main sur leurs fronts baissés, je lui demande
De préparer mon cœur pour qu’un Verbe y descende ;
D’élever mon esprit à la simplicité
De ces esprits d’enfants, aube de vérité ;
De mettre assez de jour pour eux dans mes paroles,
Et de me révéler ces claires paraboles
Où le Maître, abaissé jusqu’au sens des humains,
Faisait toucher le ciel aux plus petites mains !