Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
introduction.

Ceci posé, vous pouvez donc juger de l’étonnement universel quand le peuple de France vint à comprendre que M. de Lamartine, ainsi occupé à toutes les luttes et à tous les dangers de la tribune, faisait à l’Europe entière cet inestimable présent d’un poëme comme Jocelyn. Nous autres les adeptes, qui ramassons en toute humilité les aimables confidences du poëte, quand parfois il les laisse tomber sur nous, nous savions bien que c’était là en effet un de ses rêves ; nous savions combien, même au milieu des prosaïques débats de chaque jour, l’illustre écrivain avait conservé son mépris pour ce qu’il appelle le chiffre, ce héros des temps modernes, le seul héros honoré, protégé, payé par l’empereur ; le chiffre, ce merveilleux instrument passif de tyrannie, qui ne demande jamais qu’à obéir, qu’on le fasse servir à l’oppression du genre humain ou à sa délivrance, au meurtre de l’esprit ou à son émancipation. Nous savions, nous autres, et M. de Lamartine l’avait dit assez haut, tout le respect que le poëte portait à madame de Staël et à M. de Chateaubriand, ses deux précurseurs, pour avoir brisé les mathématiques, ces chaînes de la pensée humaine.

Oui certes, dans ce nouvel emploi de sa force, le poëte était resté constant avec lui-même ; il était resté le sujet et le disciple dévoué des grands poëtes qui sont les véritables législateurs du genre humain, Job, Homère, Virgile, le Tasse, Milton, Jean-Jacques Rousseau. Il aimait surtout les Bourbons et leur retour, parce qu’avec la liberté les Bourbons avaient rapporté avec eux, dans cette terre de France, des lois humaines, une autre âme à la littérature opprimée ; parce que le sceptre fleurdelisé avait remis en honneur la croyance, la philosophie, la politique, les doctrines les plus antiques comme les plus neuves ; et, voyant tous ces miracles, il s’était dit à lui-même que la poésie n’était pas morte, qu’elle ne pouvait pas mourir ; mais, au contraire,