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neuvième époque.

Mais le milieu du jour au repas les rappelle ;
Ils couchent sur le sol le fer ; l’homme dételle
Du joug tiède et fumant les bœufs, qui vont en paix
Se coucher loin du soc sous un feuillage épais.
La mère et les enfants, qu’un peu d’ombre rassemble,
Sur l’herbe, autour du père, assis, rompent ensemble
Et se passent entre eux, de la main à la main
Les fruits, les œufs durcis, le laitage et le pain ;
Et le chien, regardant le visage du père,
Suit d’un œil confiant les miettes qu’il espère.
Le repas achevé, la mère, du berceau
Qui repose couché dans un sillon nouveau,
Tire un bel enfant nu qui tend ses mains vers elle,
L’enlève, et, suspendu, l’emporte à sa mamelle,
L’endort en le berçant du sein sur ses genoux,
Et s’endort elle-même, un bras sur son époux.
Et sous le poids du jour la famille sommeille
Sur la couche de terre, et le chien seul les veille ;
Et les anges de Dieu d’en haut peuvent les voir,
Et les songes du ciel sur leurs têtes pleuvoir.


Oh ! dormez sous le vert nuage
De feuilles qui couvrent ce nid,
Homme, femme, enfants leur image,
Que la loi d’amour réunit !
Ô famille, abrégé du monde,
Instinct qui charme et qui féconde
Les fils de l’homme en ce bas lieu,
N’est-ce pas toi qui nous rappelle
Cette parenté fraternelle
Des enfants dont le père est Dieu ?