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huitième époque.

Les rangs pressés s’ouvraient d’eux-mêmes, faisaient place,
Et puis se refermaient soudain sur une trace.
Ce n’était que rumeur et qu’exclamation
D’étonnement, d’ivresse et d’admiration.
Un instinct machinal me fit tourner la tête
Pour voir l’objet charmant de la foule distraite ;
Mais il n’était plus temps : la femme avait passé,
Son sillon dans l’église était presque effacé.
Je ne vis qu’une taille et des épaules nues,
Où flottaient sous des fleurs des tresses répandues,
Et qu’un sourire errant et l’amoureux regard
Annonçaient, devançaient, suivaient de toute part…
« C’est bien elle, disait un jeune homme ; oh ! c’est elle !
» Ce ciel dont on nous berce en a-t-il d’aussi belle ?
» Non, jamais ces pavés n’ont frémi sous les pas
» D’anges aussi divins que l’ange d’ici-bas.
» — Elle ! lui répondait son voisin ; c’est son ombre
» Peut-être : car du temple elle craint jusqu’à l’ombre,
» Et jamais ses beaux pieds, d’adorateurs suivis,
» N’ont foulé pour prier la poudre des parvis.
» C’est là son seul défaut, hélas ! la tendre femme !
» On dit qu’au désespoir elle a vendu son âme ;
» On ne la vit jamais s’approcher du saint lieu :
» Elle fait croire au ciel, et ne croit pas à Dieu !
» — C’est elle cependant. Tiens, en veux-tu la preuve ?
» Regarde sa ceinture et son collier de veuve.
» Vois qui la mène. – Eh bien ? – Eh bien, c’est lui !
» Lui, le martyr d’hier et l’élu d’aujourd’hui !
» Qu’il se hâte au bonheur ! car demain…. Quel dommage
» Qu’une beauté si pure, ô Dieu ! soit si volage !
» Ou plutôt quel bonheur qu’elle fasse courir
» La coupe où chacun veut s’enivrer et mourir !
» — Mais au sermon, mon cher, que viendrait-elle faire ?
» — Elle y vient comme nous, ma foi, pour se distraire,