Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/326

Cette page a été validée par deux contributeurs.
325
septième époque.

Même lieu, 20 juillet.

Hier, fatale idée ! elle conçut l’envie
De revoir pas à pas la scène de sa vie,
La maison, le jardin, et de tout parcourir,
D’y revivre un moment, fallût-il en mourir !
Ma sœur et moi, cédant à tout par complaisance,
Du nouveau possesseur épiâmes l’absence,
Et, profitant de l’heure, appuyée à nos bras,
Jusqu’au seuil de l’enclos nous traînâmes ses pas.
Le concierge, attendri par ces deux voix de femmes,
Ouvrit furtivement la porte, et nous entrâmes.
Soit confiance en nous, soit par cette pudeur
Qu’ainsi que l’innocence inspire le malheur,
Cet homme, retournant à ses travaux champêtres,
Du jardin, du logis, sembla nous laisser maîtres.
Oh ! que son sentiment soit béni dans son cœur !
Ma mère, dont la joue avait repris couleur,
Ma mère, dont la force, un moment ranimée,
Empruntait de la vie à cette terre aimée,
Parcourant du regard et le ciel et les lieux,
Voyait tout son passé remonter sous ses yeux ;
Le nuage des pleurs qui flottaient sur sa vue
Laissait à chaque aspect percer son âme émue.
Elle nous entraînait partout d’un pas rêveur,
Montrait du doigt de loin chaque arbre, chaque fleur ;
Voulait s’en approcher, les toucher, reconnaître
S’ils ne frémiraient pas sous l’œil qui les vit naître ;