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sixième époque.

Les séparations et les longs désespoirs
N’ont-ils pas éclairci, dis-moi, ses cheveux noirs,
Ni blanchi sur son front ces deux boucles de soie
Où sa tempe pensive et profonde se noie ?
Sa voix a-t-elle encore ce doux timbre d’argent,
Ces caresses de sons sur des lèvres nageant,
D’où notre nom tombait et résonnait si tendre,
Que souvent ma pensée en rêve croit l’entendre ?
Et puis te serre-t-elle encor contre son sein,
Ainsi qu’elle faisait quand il était trop plein ?
Du matin et du soir sa pieuse caresse,
Ma sœur, te donne-t-elle aussi la même ivresse ?
Sens-tu, rien qu’à poser ton front sur ses genoux,
Ces extases du ciel qui descendaient sur nous ?…
Mon amour t’interroge avec inquiétude ;
Car les traits de sa main dont j’ai tant l’habitude,
Dans ce peu de mots d’elle à ta lettre ajouté,
Tromperaient l’œil d’un fils ; j’aurais presque douté,
Si la main ne s’était révélée aux paroles.
« Tu te fais, diras-tu, des symptômes frivoles ! »
Peut-être ; mais à l’œil longtemps sevré d’un fils,
Hélas ! tout est symptôme et peur, tout est sans prix ;
Il veut tout retrouver d’une tête si chère !
Le moindre trait de plume, ah ! c’est encor sa mère !
S’il voit dans l’écriture un signe de langueur,
Il craint qu’un changement n’altère aussi le cœur,
Que ces traits affaissés, que son œil étudie,
Ne révèlent au fond tristesse ou maladie.
Dis-moi que de sa main cette altération
N’était que du bonheur la tendre émotion !

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