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sixième époque.

De sa cellule, à Grenoble, 14 mai 1797.

Pour retremper mon âme au feu des saints parvis,
Chez ces hommes de Dieu, depuis deux ans je vis ;
Mais l’aspect de leur paix, de leur béatitude,
Ne peut de mon esprit dompter l’inquiétude.


Que le fardeau des jours semble léger pour eux !
Comme, à tous leurs devoirs portant un front heureux,
On sent que sans effort leur cœur vierge se sèvre !
Le sourire du juste est toujours sur leur lèvre ;
Jamais rien de leur sein ne soulève un soupir.
Ah ! si comme eux, mon cœur, tu pouvais t’assoupir !
Si l’apparition du passé qui se lève
Pouvait de mon regard s’effacer même en rêve !
Si l’ombre de ces murs pouvait me la cacher !
Mais sur mes pas toujours elle semble marcher ;
Mais sous chaque lambris, mais sous chaque colonne
Je la vois qui descend, qui monte, qui rayonne ;
Et si, pour échapper au fantôme adoré,
Je veux fermer les yeux, dans l’âme il est entré !…


Ô sommets de montagne ! air pur ! flot de lumière !
Vent sonore des bois, vagues de la bruyère !
Onde calme des lacs, flots poudreux des torrents,
Où l’extase égarait mes yeux, mes sens errants,