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jocelyn.

Proscrite de ces bras ouverts pour la porter,
Elle aille en retombant à mes pieds se heurter !
Traîner dans les langueurs d’un éternel veuvage
Du front qu’elle adora l’ineffaçable image,
Ou porter, jeune et morte, aux bras d’un autre époux,
D’un cœur désenchanté les précoces dégoûts ;
M’accuser à jamais du froid qui la dévore,
Et blasphémer son Dieu par le nom qu’elle adore :
Ah ! c’est plus qu’un mortel ne pouvait accepter,
Ce qu’au prix du ciel même il fallait racheter,
Ce que j’achèterais de ma vie éternelle,
De l’immortalité que je maudis sans elle !…


. . . . . . . . . . . . . . .

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Ô Laurence ! ô pitié ! reviens, pardonne-moi !
Je t’immolais à Dieu : mon seul dieu c’était toi !
Je ne puisais qu’en toi cette force suprême
Qui m’élevait de terre au-dessus de toi-même,
Qui me faisait trouver, pour mieux te protéger,
Tout sacrifice faible et tout fardeau léger.
Je me croyais un dieu !… Non, je n’étais qu’un homme.
Je maudis mon triomphe avant qu’il se consomme ;
Je me repens cent fois de ma fausse vertu.
Ah ! s’il est temps encore, Laurence, m’entends-tu ?
Je me jette à tes pieds, je t’ouvre pour la vie
Ces bras où sur mon sein tu retombes ravie,
Oui, ces bras dont l’étreinte, ô ma fille, ô ma sœur,
Vont en se refermant te sceller sur mon cœur !
Oh ! tu m’entends ! Oh ! viens ! oh ! viens, vivante ou morte !
Dans notre ciel à nous, viens que je te remporte !