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jocelyn.

Obligé d’étouffer mes plaintes sans échos,
Et de noyer mon cœur dans ses propres sanglots ;
Obligé d’arracher à l’âme sa pensée
Comme on arrache une arme aux mains d’une insensée.
Ayant tout mon bonheur à mes pieds répandu,
Sans pouvoir y jeter un regard défendu ;
Le cœur vide et saignant jusqu’à ce qu’il en meure,
Et n’osant, même à Dieu, nommer ce que je pleure,
Il faut vivre et marcher sans ombre, toujours seul,
Mort parmi les vivants, cet habit pour linceul ;
Mort ! ah ! plutôt jeté tout bouillonnant de vie
Parmi ces morts dont l’âme est déjà refroidie !
Étouffant sans pouvoir mourir, et nourrissant
Le ver de mon tombeau du plus chaud de mon sang !…


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Oh ! que t’avais-je fait, éternelle justice,
Pour mériter si jeune un si rare supplice ?
Cet amour, comme un piége à mon cœur préparé,
Sans toi, sans tes desseins, l’aurais-je rencontré ?
N’en avais-je pas fui, tout brûlant et tout jeune,
Le péril inconnu dans la veille et le jeûne ;
Pour sauver mon cœur chaste et garder mon œil pur,
Entre le monde et moi mis l’épaisseur d’un mur ?
Est-ce moi qui l’ai fait s’écrouler sur ma tête ?
Et quand, pour m’abriter au nid de la tempête,
J’allais m’ensevelir dans le creux du rocher,
Seigneur, est-ce elle ou vous que j’y venais chercher ?