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cinquième époque.

De la grotte, 16 août 1795.

Cependant, écrasé sur cette roche aride,
Referme-toi, mon cœur, comme un sépulcre vide,
Comme après la blessure une trompeuse chair
Qui se referme un temps sur la balle ou le fer,
Et montre de la vie au dehors l’apparence,
Pendant que sous la chair tout est mort et souffrance !
Seul soupir de mon cœur, dors dans son dernier pli ;
Que ton nom pour toujours s’y cache enseveli !
Dans mes rêves éteints, sur mes lèvres glacées,
Ne remonte jamais du fond de mes pensées !
Que les hommes trompés ne se doutent jamais
Qu’en les aimant c’était encor toi que j’aimais ;
Que de ma charité l’âme était un mystère ;
Que je vivais du ciel en marchant sur la terre !…
De cette charité que le divin charbon
Sur ma langue consume et dévore ton nom ;
Que nulle bouche humaine ici-bas ne le sache ;
Qu’à tous, hormis à Dieu, ma poitrine le cache
Jusqu’au jour de ma mort, ce nom, secret chéri,
Comme un trésor visible après le flot tari !


Mais elle ? Oh ! qu’elle vive aux dépens de ma vie !
Oui, je le veux, mon Dieu ! que Laurence m’oublie !