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jocelyn.

» Que cette affection au cœur enracinée,
» Cette existence à deux, ce rêve d’une année,
» Ce rayon qui nous fit ensemble épanouir,
» Comme un rêve d’un soir pourrait s’évanouir ?
» Connaissez mieux l’amour de l’homme et de la femme :
» Il joint leur double vie en une seule trame ;
» Il survivrait coupable, à la honte, au remord,
» Plus vivant que la vie, et plus fort que la mort.
» – Silence ! cria-t-il ; vous profanez cette heure,
» Ces moments tout au ciel, ces fers, cette demeure
» Où du Dieu trois fois pur un indigne martyr
» N’eût jamais entendu de tels mots retentir.
» Parler d’amour, grand Dieu ! sous ces ombres muettes !
» Insensé, regardez, et songez où vous êtes !
» Voyez dans les cachots ces membres amaigris,
» Ces bras levés à Dieu, par des chaînes meurtris ;
» Cette couche où l’Église expire, et sent en rêve
» Le baiser de l’époux dans le tranchant du glaive ;
» Ce sépulcre des morts par la vie habité,
» Qui ne se rouvre plus que sur l’éternité ;
» Ces fers dont les anneaux tout rouillés sur nos membres
» Ont rivé Jésus-Christ à chacun de ses membres ;
» Et ce pain d’amertume, et ce vase de fiel,
» Délicieux banquet de ces noces du ciel !
» Et c’est là, c’est devant ces témoins du supplice,
» Devant ce moribond qui marche au sacrifice,
» Que vous osez parler de ces amours mortels,
» Vous, dévoué d’avance à nos heureux autels ;
» Vous, que leur sacré deuil, le sang qui les colore,
» Par un plus fort lien y consacrait encore !
» Ah ! que cette amertume ajoute à mon trépas !
» Quoi ! vous, trahir ! Mais non, cela ne se peut pas !
» Vous ne souillerez pas une si chaste vie,
» Vous ne jetterez pas à mon front cette lie,