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jocelyn.

Et qui, nourris déjà du pain caché du fort,
Exultaient du supplice et vivaient de leur mort.


À l’entrée, ébloui par ce front de lumière,
Sur mes genoux tremblants je tombai sur la pierre,
Comme si quelque main m’eût forcé de plier,
N’osant ni m’approcher, ni m’enfuir. Le geôlier
Lui dit : « Que votre nuit avec Dieu se consomme !
» J’ai rempli ma promesse, et voilà ce jeune homme. »
Puis, posant à mes pieds sa lanterne, il sortit,
Et, refermé sur nous, le battant retentit.
« Est-ce vous, mon enfant ? venez, que je vous voie !
» Oh ! que ma dernière heure ait la dernière joie
» De presser sur mon cœur un fils en Jésus-Christ,
» Un frère dans ma foi nourri du même esprit !
» Soyez béni, mon Dieu, dont la grâce infinie
» Me gardait en secret ce don pour l’agonie !
» J’ai vidé jusqu’au fond mon calice de fiel,
» Mais la dernière goutte a l’avant-goût du ciel !
» Mon fils, je vais mourir ; mon éternelle aurore
» De ma dernière nuit va tout à l’heure éclore ;
» Demain j’entonnerai l’Hosanna triomphant.
» Aujourd’hui je suis homme et pécheur. Mon enfant,
» Devant le Saint des saints avant que de paraître,
» J’ai besoin de laver mon âme aux eaux du prêtre :
» Chargé d’un grand troupeau pour le sanctifier,
» En partant, j’ai mon saint bercail à confier ;
» Je ne puis déposer que dans sa main sacrée
» Les clefs du Saint des saints dont je gardais l’entrée ;
» Je ne puis recevoir le pardon que de lui ;
» Je le donnais hier, je l’implore aujourd’hui ;
» Mais tous ceux qui portaient le divin caractère,
» Fugitifs ou proscrits, sont errants sur la terre ;