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cinquième époque.


Fléchissant sous ses fers rivés dans la muraille,
Leur poids lourd affaissait un peu sa haute taille ;
De ses habits troués les somptueux débris
Laissaient percer partout ses membres amaigris ;
Il serrait d’une main autour de sa ceinture
Des pauvres prisonniers la blanche couverture,
De l’autre il soutenait le gros faisceau de fers
Qui tombait en anneaux de ses bras découverts ;
Ses pieds nus, que nouaient deux restes de sandales,
Tout violets de froid, frissonnaient sur les dalles.
Un tas de paille humide et rongé par les bords
Gardant encor l’empreinte et les plis de son corps,
Une écuelle de bois pour recevoir la soupe,
Une goutte de vin dans le fond d’une coupe,
De son palais de boue étaient l’ameublement,
Le breuvage, le lit, le vase et l’aliment ;
Mais les traits allongés de son pâle visage,
Ses cheveux éclaircis, souillés, blanchis par l’âge,
Sur son front demi-chauve en couronne bouclés,
Ou sur son maigre buste en anneaux déroulés ;
Sa barbe, que d’un an le fer n’a retranchée,
Sur le creux de sa joue en écume épanchée,
Ses yeux caves, cernés par un sillon d’azur,
Brillant comme un charbon dans leur orbite obscur ;
Son regard affaibli par cette ombre éternelle
Nous cherchant sans nous voir du fond de sa prunelle ;
La force écrite en haut dans ses sourcils épais ;
Sur sa lèvre entr’ouverte un sourire de paix ;
Dans ses traits, imprégnés d’une sainte harmonie,
La résignation au sein de l’agonie ;
L’humanité vaincue asservie à la foi,
Tout éclatait en lui !… Je crus voir devant moi
Un de ces champions des vérités nouvelles
Que les anges de Dieu servaient, couvaient des ailes,