Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/242

Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
quatrième époque.

16 mars 1795.

Je ne sais quel respect à tant d’amour se mêle,
Et s’accroît tous les jours dans mon âme pour elle ;
Comme un dieu, je craindrais du doigt de la toucher ;
À ses pieds quelquefois je voudrais me coucher,
Pour que cet être, roi de toute la nature,
Me foulât sous son pas comme sa créature.
Plus son sourire est tendre et son regard m’est doux,
Plus je sens le besoin de tomber à genoux,
De consacrer mon cœur en lui rendant hommage,
Et d’adorer mon Dieu dans ce divin ouvrage.
Pour ne pas offenser ces sentiments chrétiens,
Devant elle tremblant, pourtant je me retiens ;
Mais quand elle se baisse ou détourne la tête,
Qu’elle marche un moment devant moi, je m’arrête ;
Je contemple sa forme avec recueillement,
Comme un être éthéré tombé du firmament,
Dont l’émanation éclaire la lumière,
Et dont le pied céleste honore la poussière.
Je suis avec les miens les traces de ses piés,
Comme si ce contact les eût sanctifiés ;
Dans l’air qu’elle occupait j’aime à prendre sa place,
Comme si son passage eût consacré l’espace ;
À marcher dans son ombre, à ramasser les fleurs
De l’herbe dont son corps a foulé les couleurs,
À respirer le vent qui dans ses cheveux joue,
Quand son front renversé comme un flot les secoue,