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quatrième époque.

» Ce mot, pour moi, c’était ou la mort ou la vie !
» Je mourais à tes pieds, si tu m’avais bannie !
» Oh ! pouvais-je risquer, contre un précoce aveu,
» Cent fois plus que ma vie à ce terrible jeu ?
» J’aimais mieux me fier à cette destinée
» Qui m’avait de si loin dans ton ombre amenée,
» Jouir du jour au jour, et remettre à plus tard ;
» Tout attendre de Dieu, du moment, du hasard.
» Ah ! ce hasard fatal n’est venu que trop vite !
» Mais si ta main se ferme et si ton cœur hésite,
» Oh ! du moins, Jocelyn, je ne le saurai pas !…
» J’ai cherché la tempête et la mort sous tes pas ;
» Avec joie à la mort j’ai couru pour te suivre :
» L’abîme me prend seule, et toi te laisse vivre.
» Tu sais tout, mais je meurs ! Dis, me pardonnes-tu ? »


Les anges du ciel même ont-ils cette vertu ?
Peuvent-ils de leurs mains, sans pitié pour eux-même,
Se déchirer en deux dans le cœur qui les aime ?
Pour moi, faible mortel, fait de sang et de chair,
Je ne pus me frapper sur un être si cher,
Et, repoussant l’amour dans le sein qui se donne,
Briser notre âme en deux. « Oh ! oui, je te pardonne,
» Lui dis-je, enfant ou sœur, pauvre être abandonné,
» L’amour que je te donne et que tu m’as donné !
» De tous les noms sacrés dont sur terre on s’adore
» Je te nomme… et je t’aime, et j’en invente encore !
» Ah ! vis pour les entendre et les répéter tous !
» Que Dieu nous illumine et dispose de nous ;
» Dans ce ciel où ses mains nous ont portés d’avance,
» Comme deux esprits purs vivons en sa présence,
» Et laissons-lui le soin, à lui seul, de nommer
» L’amour ou l’amitié dont il faut nous aimer ! »