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quatrième époque.

8 décembre, le matin.

Toute ma longue nuit déjà s’est écoulée
À presser dans mes doigts sa main toujours gelée,
À rappeler vingt fois le sang et la chaleur
À la plante des pieds réchauffés sur mon cœur,
À retenir la biche à côté sur sa mousse,
Pour que de son duvet la tiédeur saine et douce,
En se communiquant de plus près corps à corps,
Ranimât par degrés ses membres demi-morts ;
À mouiller d’un peu d’eau par la flamme attiédie
Sa tête ensanglantée ou sa tempe engourdie ;
À voir vers le matin son souffle sommeiller ;
À retenir le mien, de peur de l’éveiller :
Puis quand l’accablement, qui succède au délire,
À son haleine égale à la fin s’est fait lire,
J’ai saisi par instinct ce moment de repos
Pour essuyer le sang qui durcit ses caillots ;
J’ai déchiré la toile, et de ses découpures
Arraché fil à fil le duvet des blessures ;
Séparant les anneaux de cheveux, j’ai lavé
Son front entre mes bras mollement soulevé ;
De son flanc déchiré j’ai d’une large bande
Fermé, sous un lin pur, la blessure plus grande,
Et déposé le corps doucement recouché :
Tout tremblant, comme si ma main avait touché
Un enfant endormi retourné dans ses langes,
Ou comme un vil mortel qui toucherait des anges.