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jocelyn.

Même date, 7 décembre, à minuit.

L’heure a versé sa paix sur son front qui sommeille ;
Ses pieds sont moins glacés dans mes mains !… Quelle veille !
Quel jour et quelle nuit ! et demain, et toujours !
Quel repos ! quel réveil ! quelles nuits et quels jours !
Est-ce un rêve d’un an que j’ai fait dans ces ombres ?
Mon cœur nage incertain comme sur des mers sombres,
Ne pouvant ni toucher le fond, ni voir le bord,
Entre le désespoir, ou le crime, ou la mort !
Ah ! recueillons un peu mon esprit qui s’égare !
D’hier à cette nuit un siècle me sépare.
Souvenons-nous : sachons au moins nous retracer
Ce gouffre qu’un instant nous a fait traverser :
Repassons pas à pas toutes les circonstances
Du jour fatal qui rompt d’un coup deux existences ;
Marquons l’heure où, du haut de ma félicité,
Dans l’abîme sans fond Dieu m’a précipité.


Les rayons du matin colorés par la neige
Brillaient comme un appât pour l’oiseau dans un piége ;
L’air ambiant, plus pur, semblait s’être adouci,
Quelques oiseaux posaient sur le givre durci ;
Ce jour de mort avait l’éclat d’un jour de fête :
La biche impatiente au vent tendait sa tête.
Je me sentis tenté de prendre aussi l’essor ;
Laurence dans sa mousse, hélas ! dormait encor.