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quatrième époque.

Puis nous partions d’un trait, comme si la pensée
Par le même ressort en nous était pressée,
Et, vers un autre lieu prompts à nous élancer,
Nous courions pour courir et pour nous devancer.
Mais toute la montagne était la même fête ;
Les nuages d’été qui passaient sur sa tête
N’étaient qu’un chaud duvet que les rayons brûlants
Enlevaient au glacier, cardaient en flocons blancs.
Les ombres qu’allongeaient les troncs sur la verdure,
Se découpant sur l’herbe en humide bordure,
Dans quelque étroit vallon, berceau déjà dormant,
Versaient plus de mystère et de recueillement ;
Et chaque heure du jour en sa magnificence,
Apportant sa couleur, son bruit ou son silence,
À la grande harmonie ajoutait un accord,
À nos yeux une scène, à nos sens un transport.
Enfin, comme épuisés d’émotions intimes,
L’un à côté de l’autre, en paix nous nous assîmes
Sur un tertre aplani, qui, comme un cap de fleurs
S’avançait dans le lac plus profond là qu’ailleurs,
Et dont le flot, bruni par l’ombre haute et noire,
Ceignait d’un gouffre bleu ce petit promontoire :
On y touchait de l’œil tout ce bel horizon,
Une mousse jaunâtre y servait de gazon,
Et des verts coudriers l’ombre errante et légère,
Combattant les rayons, y flottait sur la terre.
Nos cœurs étaient muets à force d’être pleins ;
Nous effeuillions sur l’eau des tiges dans nos mains ;
Je ne sais quel attrait des yeux pour l’eau limpide
Nous faisait regarder et suivre chaque ride,
Réfléchir, soupirer, rêver sans dire un mot,
Et perdre et retrouver notre âme à chaque flot.
Nul n’osait le premier rompre un si doux silence,
Quand, levant par hasard un regard sur Laurence,